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Les criquets pèlerins envahissent l’Afrique de l’Est

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La corne de l’Afrique est victime depuis trois mois d’une invasion de criquets pèlerins. Ceux-ci se comptent en centaine de milliards. Ils se déplacent en essaim et dévorent tout sur leur passage. Cet insecte migrateur menace la sécurité alimentaire de l’une des régions les plus pauvres au monde.

Invasion de criquets pèlerins en Afrique de l'est
Invasion de criquets pèlerins

Des événements climatiques extrêmes

Le criquet pèlerin est originaire de la péninsule arabique qui a été touchée par deux cyclones en 2018. Ainsi, les pluies abondantes ont permis un fort développement de la végétation. Les deux facteurs combinés ont favorisé la reproduction des criquets. D’autre part, l’absence de présence humaine et d’infrastructure dans cette région a facilité leur multiplication. La guerre au Yémen a également contribué à cela. Les criquets ont alors commencé à déferler sur la Somalie en juin 2019. Contenue jusqu’à ce qu’un cyclone frappe la région en décembre, la situation est devenue ensuite incontrôlable.

Plusieurs pays d’Afrique de l’est, l’Éthiopie, la Somalie, le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie, le Soudan du Sud, l’Érythrée et République démocratique du Congo sont désormais concernés. Certains pays comme le Kenya n’avaient pas connu d’invasion de cette envergure depuis 70 ans. Selon l’Agence des Nations-Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), treize millions de personnes ayant des difficultés chroniques d’accès à l’alimentation, vivent dans les zones les plus affectées. La situation est préoccupante car les criquets pourraient dévorer les cultures destinées à alimenter les populations.

Une invasion de criquets pèlerins difficile à contenir

Le criquet pèlerin qui vit 6 mois, devient vorace quand il passe à une phase « grégaire ». Se déplaçant en essaims, il peut parcourir jusqu’à 150 km par jour. S’attaquant à toute végétation verte, chaque criquet dévore chaque jour l’équivalent de son poids (2 grammes). Au Kenya, les experts ont estimé la taille d’un essaim à 2 400 km2. Celui-ci pouvait contenir jusqu’à 200 milliards de criquets, pouvant dévorer 400 000 tonnes de végétation par jour. Selon la FAO, un essaim de cette taille peut consommer la nourriture de 85 millions de personnes par jour.

Sur les six invasions qui ont lieu au 20ème siècle, certaines ont duré jusqu’à treize ans. Depuis, les États africains ont mis en place des stratégies coordonnées de lutte avec l’utilisation d’insecticides. Les délais d’éradication se sont réduits. La destruction des criquets au stade le plus précoce de leur cycle, quand ils ne peuvent pas voler, est la plus efficace. Avec des traitements insecticides très localisés, il est possible d’éliminer les nymphes. Par contre, quand les criquets sont au stade adulte, il est beaucoup plus difficile de les arrêter. Le seul moyen est de pulvériser par avion des insecticides sur les essaims à terre. L’ampleur du phénomène rend les traitements depuis le sol impossibles. L’usage des pesticides est décrié dans nos pays développés. Mais face à des phénomènes d’une telle ampleur et aux telles conséquences humanitaires, ils restent aujourd’hui la solution la plus efficace.

Une invasion qui pourrait se transformer en crise alimentaire

A l’arrivée des premiers essaims en décembre 2019, l’impact fut limité car les cultures étaient récoltées. Ce sont surtout les éleveurs qui en furent victimes. Les criquets ont dévoré les maigres moyens de subsistance de leur bétail. Les conséquences risquent d’être beaucoup plus graves dans les prochains mois. Des larves sont en train d’éclore un peu partout dans les premières régions infestées, au Kenya, en Éthiopie et Somalie. La saison des pluies va bientôt commencer, juste après les semis de printemps. Celle-ci coïncidera avec la période de reproduction des criquets adultes. Selon les experts de la FAO, la taille des essaims pourrait se multiplier par 500 d’ici le mois de juin. Les conséquences sur les récoltes pourraient être catastrophiques, avec un risque d’augmentation du prix des céréales sur les marchés.

La FAO chiffre actuellement à 138 millions de dollars le plan de lutte contre cette nouvelle invasion. Pour l’instant, les dons et promesses de dons s’élèvent à 33 millions. Si l’invasion n’est pas jugulée, les criquets menaceront la sécurité alimentaire des régions touchées. Seule la conjonction de plusieurs facteurs, difficiles à réunir, pourra y mettre un terme. Il faudra des conditions climatiques défavorables à la reproduction, associée à une baisse de la disponibilité en végétaux et à une application coordonnée d’insecticides. Cela sera d’autant plus difficile que la problématique est plus large que la seule Corne de l’Afrique. Le Pakistan est fortement touché et des essaims sont à la frontière de l’Inde. L’Égypte, l’Arabie saoudite, l’Iran, Oman, et le Yémen sont aussi menacés.

Depuis 10 ans, le nombre de cyclones dans l’océan Indien augmente. Si cette tendance se confirme, il y aura de plus en plus d’infestations de criquets. Seules une réponse coordonnée des États et l’utilisation de technologies modernes permettront de lutter contre ce fléau.

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Marie-Christine BIDAULT

Marie-Christine Bidault est étudiante en journalisme à l'ESJ Paris. Par ailleurs Analyste en stratégies internationales (IRIS Sup') et Ingénieur en agriculture (ISARA Lyon), elle s'intéresse fortement aux questions de géopolitiques environnementale, agricole et alimentaire, avec un intérêt particulier pour les politiques américaines.

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